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Avril 2022

Updated: Jul 7, 2022


A peine arrivés, nous passons en mode "marin". Les opérations de grutage pour sortir le bateau de l'eau sont prévues pour le lendemain, et les prévisions météo ne sont pas favorables avec des rafales de vent prévues jusqu'à 40 noeuds (72km/h).

On prépare tout de même le bateau avant d'aller se coucher. Je passe ma pire nuit depuis qu'on a acheté le bateau. A peine 2h de sommeil, avec le vent qui souffle de plus en plus fort, les mâts qui sifflent, les drisses qui claquent. Une vraie cacophonie. Et le stress qui monte : sans même parler des opérations de grutage, il va falloir que je manœuvre dans ce port super étroit avec cette tempête ?

Au p'tit dej, je partage mes doutes avec le P'tit Chat. On s'oriente vers une décision de report des manœuvres, quand, comme par miracle, les rafales se calment.

Bon... on se lance rapidement dans les derniers préparatifs : débrancher l'électricité, retirer les protections arrière et les amarres croisées, fermer les hublots...

Sauf que le vent remonte... Je prends contact avec le chantier. Ils mettent un peu la pression en nous indiquant que si nous ne sommes pas au rdv prévu à 13h30 devant la grue, ils ne pourront peut-être pas nous sortir de l'eau avant plusieurs semaines, au vu de leur planning super chargé.

OK, OK on va y aller.

Une rafale plus violente que les autres siffle comme une sorte d'avertissement... 45 nœuds à l'anémomètre.

Là ce n'est plus du stress. C'est de la trouille. Tous mes instincts me hurlent de ne pas y aller. Je ne suis pas du tout certain de pouvoir maîtriser le bateau dans les petits canaux de Port Grimaud dans ces rafales. Oui mais bon, je vais avoir l'air d'une poule mouillée pour les gars du chantier naval... Et ça foutrait en l'air tout notre planning.

Mais merde à la fin : c'est moi le capitaine. Je suis le seul à pouvoir prendre les décisions pour le bien de mon équipage et de mon bateau ! Au diable mon ego, les pressions et notre planning... Je sais pourtant parfaitement qu'en matière marine ce sont les ingrédients typiques pour un accident réussi...

On reporte les manœuvres, point barre. Je communique fermement ma décision au chantier. Et le responsable de projet va essayer de trouver une solution.

Quelques heures plus tard, il me propose de sortir le bateau le lendemain midi. Le vent devrait encore être présent, mais diminué quasi de moitié. OK, c'est acceptable.

Je passe une meilleure nuit. On largue les amarres, dans des rafales à 30 nœuds. Mais ça, je sais que je peux gérer.

Les manœuvres de port se déroulent parfaitement, et dans le calme. Le P'tit Chat est prêt à bondir pour défendre le bateau avec un pare-battage "volant" en cas de petite collision, mais ce ne sera pas nécessaire.

Nous sommes sortis de Port Grimaud. On respire. Même si le vent se renforce un peu. Je décide de naviguer un peu vers le large avant de repiquer vers Cogolin qui est juste à côté de Port Grimaud. Ca nous permettra d'ouvrir les cuves d'eau noir, et de les rincer.

Au moment de faire demi-tour vers Cogolin, une alarme moteur retentit. Je jette un oeil aux témoins de problème moteur (température, pression, alternateur...), mais aucun n'est allumé. Je reste perplexe un moment, avant de réaliser que l'aiguille du compte-tour est sur zéro. En fait, le moteur s'est éteint...

Gros coup de stress. Sans moteur et sans voiles à poste, nous sommes juste un radeau dérivant... Le vent hurle et je n'entends même pas le démarreur, ni le moteur dans mes tentatives de redémarrage. De ce que je vois sur le compte-tour, il semble vouloir démarrer, puis il cale. Glups...

Je me laisse une minute pour trouver une solution, avant de demander au P'tit Chat d'envoyer un Mayday pour qu'on nous envoie un remorqueur avant de nous écraser sur les rochers près de Saint Tropez...

Je me force à rester calme et à faire fonctionner mon cerveau sur des solutions, alors que là il a plutôt tendance à visionner des scénarii catastophe.

OK. Si le moteur démarre et cale, c'est qu'il n'arrive pas à auto-entretenir son mouvement. D'ailleurs c'est à bas régime qu'il a calé la première fois. Donc, plus de gaz au démarrage.

Et ça marche. Le moteur ronronne gentiment à 1800 tours/minute. Je reprends le contrôle du bateau et direction Cogolin dans un état second.

Appel du chantier. Oui oui, on sera bien à l'heure au rdv. Et OK, je peux me présenter en marche arrière sous la grue. (OK, ça c'était une vraie erreur de ma part : on en reparle plus tard.)

On rentre dans le port de Cogolin. Facile : on avait repéré les lieux hier.

La grue est en vue. J'entame ma manœuvre pour me retourner.

Et le moteur cale. Bah oui, pour ma manœuvre de retournement, je dois passer au ralenti. Même cause, même conséquence. Pauvre abruti ! C'est la conclusion définitive de mon cerveau quant à mon acceptation de me présenter en marche arrière...

Donc

1/ Je dérive dans un port.

2/ 35 nœuds de vent.

3/ Le moteur ne veut pas redémarrer.

4/ Je suis à bord d'un navire de 20 tonnes pour 17m de long.

5/ Je suis à moins de 20m du premier bateau...

==> Joie.

Ha tiens, c'est le moment que la clé de contact choisit pour sortir de son logement et tomber par terre. Mais quelle bonne idée !

On se calme. Inutile de rêver faire le tour du monde si je ne suis pas capable de faire face à ce genre d'incidents.

Mon cerveau trouve le moment parfaitement opportun pour me rappeler ce pré-filtre à fuel que je n'ai pas changé hier, vu qu'il semblait dans un sale état et que je craignais faire plus de mal que de bien.

Obligeamment mon cerveau me rappelle aussi qu'un pré-filtre sale peut entraîner la présence d'eau de condensation dans le fuel. Et qu'un fuel mélangé d'eau peut faire caler un moteur...

Il est sympa mon cerveau. Peut-être un léger manque de sens du timing, mais sympa...

Bon, on se bottera le cul plus tard. Là je ne suis plus qu'à 15m du premier bateau.

On remet calmement la clé dans le contact. On embraye. Gaz. Contact. Et ça redémarre.

Vu les gaz, ça redémarre même un peu vite. Mais je reprends rapidement le contrôle.

Au diable leur demande de me présenter en marche arrière. Hors de question de rejouer ce sketch. Ce sera en marche avant et c'est tout.

On se présente dans la darse, sous la grue. 2m de chaque côté, c'est peu. D'autant que redoutant de caler si près des obstacles, j'arrive un peu vite. Grand coup de gaz en marche arrière pour ralentir le bateau au max. On lance les amarres pour que les gars du chantier arrêtent le bateau. C'est moche comme manœuvre, mais on n'a rien touché. Et avec une avarie de moteur, c'est tout ce qui compte.

Le bateau est immobilisé. La pression retombe.

Dans un état second, je vois le bateau s'envoler, porté par des sangles.



La grue le dépose délicatement sur sa quille, et les gars du chantier le calent dans un berceau.

C'est l'heure du verdict quant à l'état réel des oeuvres vives (la partie du bateau située sous le niveau de l'eau).

L'antifouling a parfaitement fait son job : très peu de croissance de coquillages. Et très peu d'éclats dans la fibre de verre. Aucune mauvaise surprise en vue, le chantier devrait coller au devis initial.

Nous abandonnons le bateau à regret pour les 2 semaines à venir. Pour des raisons de sécurité et d'assurance, la plupart des chantiers européens refusent qu'on vive à bord sur le chantier.

Nous transvasons donc tout le contenu de la voiture dans un chouette petit appart que nous avons loué à la marina. C'était un peu plus cher qu'un appart dans l'arrière pays, mais je suis déjà suffisamment frustré de devoir quitter le bateau : si en plus je n'ai pas de vue sur la mer, je vais péter un câble. D'où ce petit luxe.

Les jours suivants vont passer très vite : nous alternons découverte de St-Tropez et de ses environs (hors saison, c'est magnifique) avec le suivi du chantier.



Nous découvrons la vie en marina, et c'est une excellente surprise. Toutes les facilités sont à proximité : restos variés, bars, magasin... C'est un peu la dolce vita, d'autant que la température devient quasi estivale (pour un nordiste en tout cas...on croise encore des locaux portant bonnet et écharpe...).

Durant ces quelques jours, je suis scotché par la capacité qu'a la Méditerranée à présenter un visage différent. Un jour, calme plat. Le lendemain, vent d'ouest à 30 noeuds. Et le surlendemain calme plat, avant de passer sur un fort vent d'est... Ca nous promet quelques migraines au moment de planifier nos navigations... D'un autre côté, les prévisions météo "professionnelles" sont vraiment précises à 2 jours : c'est rassurant.


Je reste émerveillé par la qualité de lumière dans le Sud. Le coucher de soleil est majestueux. Un vrai feu d'artifice vespéral (oui, je me la pète question vocabulaire).

Au moment de finaliser le chantier, nous nous sentons un peu poussés dehors... Subjectivement, c'est une sensation assez désagréable, et objectivement, terminer les travaux dans le rush total n'est jamais une bonne idée...


Sérieusement : le bateau était déjà déplacé par la grue alors qu'un ouvrier était encore occupé à finir le boulot dans la cale du bateau... Je peux comprendre la notion de respect du planning et de rentabilité, mais il ne faudrait pas en oublier la finition et le feeling du client.

Mais je ne vais pas m'appesantir sur le sujet, d'autant qu'en dehors de cet épisode, j'ai été agréablement surpris par cette première expérience avec un chantier naval : devis respecté, ouvriers compétents et sympas, bon suivi de projet, bonne communication... Tout cela est très loin des expériences cauchemardesques que j'ai pu lire ou entendre. On ne va pas s'en plaindre...

On cause, on cause, mais le bateau est déjà dans l'eau. Et il n'a pas l'air de couler. A priori, le boulot principal, à savoir le changement de tous les passe coque, a été fait avec soin.

On fait larguer les amarres. Et j'enclenche doucement la marche arrière pour sortir de la darse. Rien ne bouge. Le bateau a même plutôt tendance à avancer.

Je me dis qu'on a dû oublier une amarre et que la légère avancée est due à l'effet "élastique" de cette amarre. Je demande qu'on vérifie bien toutes les amarres. Mais on me répond qu'elles étaient bien larguées.

Bon... je ré-essaie. Marche arrière, avec un peu plus de gaz. Et le bateau bouge, mais en avant !!! Les gars se précipitent pour l'empêcher de taper le fond de la darse. Mais qu'est ce que c'est que ce bignz !!!???

Un des gars du chantier me crie d'enclencher la marche arrière, pas la marche avant. Non mais, il me prend pour un jambon ou quoi !? Je le fusille du regard. Et je réfléchis.

Le suspect numéro 2 serait une sangle qui serait restée accrochée à ma quille. Sauf que cette fois-ci l'avancée a été trop nette et trop immédiate pour qu'elle soit due à un effet "élastique" quelconque.

Bon... si ça avance quand je passe la marche arrière... logiquement, si je passe la marche avant ça devrait reculer... J'embraye, je passe la marche avant et... effectivement ça recule.

Personne n'y comprend rien. Le mécano n'a pas touché à l'inverseur (la boîte de vitesses du bateau). Et quand bien même, remonter une telle salade de d'engrenages et de pignons à l'envers relève de la science-fiction. Si la moindre erreur est commise au remontage, tu prends purement et simplement la boîte de vitesses dans la tronche au premier essai...

Mais ce n'est pas le moment de jouer au Sherlock de bazar : j'ai un bateau à manoeuvrer en marche arrière jusqu'à ma place de port.

Donc résumons. Ma boite de vitesse est inversée, donc je recule en marche avant. Comme je recule, je dois bien penser à inverser mes manoeuvres à la barre : babord pour tribord et vice-versa. Tout en gardant à l'esprit que mon propulseur d'étrave reste dans le bon sens, lui. Tout en priant pour que le moteur ne cale pas. Quelqu'un aurait une aspirine ?

Heureusement, la météo est impeccable et le chantier m'a envoyé un gars en zodiac pour m'assister au cas où... Au final, je n'en aurai pas besoin, mais ça rassure.

Le bateau est solidement amarré, et une fois de plus, la pression retombe instantanément.

Tournée générale de Ti punch pour nous remettre de nos arrivées ou nos sorties de chantier qui sont décidément trop rock and roll à notre goût.

La journée n'est pas finie pour autant. Il nous reste à re-re-re-re déménager le reste de notre merdier du petit appart à la voiture, puis de la voiture au bateau.

Nous arrivons donc à la voiture, chargés comme des mulets, pour constater qu'un des pneus est crevé. Mais quelle bonne surprise...

Je me sens pourtant étonnamment serein. Normalement, là j'aurais dû atteindre la cote d'alerte et au moins gueuler un bon coup, voire même shooter la portière. Je sais que ça ne sert à rien, mais ça défoule...

Du coup on pose notre merdier par terre. Et on s'amuse comme des petits fous avec le cric et la clé... Sauf que...trois boulons sur quatre sont bloqués à mort. Et le seul outil que j'ai est la minable petite clé que M.Citroën daigne fournir à ses clients...


Je suis un peu moins calme, et dans un ultime effort pour débloquer un boulon, j'en profite pour tordre complètement la clé. Ca, c'est fait.

OK le Norauto ne ferme que dans 40 minutes. Taxi. Achat d'une vraie clé. Retour. Facile.

Ha oui, mais non. Début de saison touristique. Taxis débordés. Pas possible avant une heure. Plouf, fait notre plan.

Je reste serein. Et à mon avis, c'est ça qui a dû agacer le destin. Du coup, il me réserve une dernière petite surprise pour ce soir.

J'apprends qu'on a potentiellement un gros problème technique dans ma boite, et que ça pourrait dégénérer en énorme problème juridique.

Du coup, on prend la décision de postposer notre première semaine de navigation, et de rentrer dans le nord juste après le weekend de Pâques, pour gérer cette crise sur place, et non à distance. Pas question de laisser mes collaborateurs se débattre seuls.

Certes un peu déçus de postposer cette première navigation tant attendue, nous restons pourtant très sereins : nous avons toujours su que la boîte restait prioritaire sur la navigation.


On profite de notre dernier weekend pour rester au plus près de notre bateau. Littéralement. Nous passerons le week-end pascal à briquer, à quatre pattes et à l'éponge dure, le pont du bateau. Éreintant. Mais le pont en teck est comme neuf !



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