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Septembre 2021

Updated: Mar 19, 2022



Passée la déception de devoir postposer notre « lune de miel », la réflexion prend le pas.

Nous avons été un peu naïfs de penser pouvoir naviguer à peine 6 semaines après l’expertise…


Et en prenant du recul, ce revers n’a pas vraiment d’importance au vu de l’ampleur du projet.


Il y a même probablement moyen d’en tirer du positif : meilleure préparation du bateau et de son équipage…


Le mois de septembre a d’ailleurs très bien commencé.


Les formalités d’immatriculation et d’assurance, que je redoutais, ont été pliées en 10 jours!


La toute bonne surprise qui a définitivement remis le moral des troupes au beau fixe.


Et en prime, la voilerie que l’expert nous a recommandée, est absolument excellente.


Je pense que le bateau est entre de bonnes mains pour le changement de gréement dormant, et pour les nouvelles voiles.


Seul point sombre : il semblerait que nous ayons sous-estimé les coûts engendrés par ces deux gros chantiers. D’en moyenne 33%. Ca pique…


La différence de coût entre le gréement d’un 40 et d’un 50 pieds est impressionnante.


Nous avions un peu anticipé cet état de fait mais pas suffisamment…


Le choix d’un bateau de plus de 50 pieds a été fait sciemment : notre bateau n’a pas pour vocation de faire quelques ronds dans l’eau en été, il sera notre seule maison tout au long de l’année. Et il doit pouvoir accueillir confortablement famille et amis. Ce qui n’est pas qu’une question de place, c’est également une question de stabilité : un petit bateau « danse » nettement plus dans la houle, ce qui est rarement apprécié des visiteurs peu amarinés…


Et il doit disposer d’énormes réservoirs d’eau et de fuel pour être autonome. Et il doit pouvoir stocker tous les jouets : paddle, équipement de plongée, de photo, de drone…


Sans même parler de la vitesse. Toute chose étant égale par ailleurs, plus un bateau est long, plus il est rapide.


Et ce n’est pas qu’une question de plaisir. C’est une question de sécurité. Un bateau plus rapide a beaucoup plus de facilité à fuir le mauvais temps et à trouver un abri.


Bref un grand bateau c’est mieux… pour nous.


Nous étions un peu inquiets de la manœuvrabilité de ce monstre en équipage réduit, mais les winchs électriques, les manœuvres rapportées au cockpit, le génois sur enrouleur et le propulseur d’étrave rendent ce bateau tout à fait gérable par un couple.


Notre première navigation sera… au moteur. Le bateau doit être amené au chantier à Hyères qui se situe à environ 50 mile nautique plus à l’ouest. Cela devrait nous prendre 7-8h au maximum.


Pas de voiles à poste, gréement fragilisé, première expérience, manœuvres de grutage : autant d’ingrédients qui nous poussent à demander l’assistance d’un skipper pro.


Mine de rien ce simple petit chantier nécessite de synchroniser les disponibilités de pas mal de monde : broker, équipes techniques, capitainerie de port, skipper… Pourvu que la météo ne vienne pas mettre son grain de sel dans toute cette belle organisation. Rien de pire que de devoir naviguer avec un agenda précis…


Quoiqu’il en soit, nous avons hâte de descendre dans le sud pour cette mini aventure. D’autant que nous prévoyons de commencer par trois jours à bord.


Nos premières nuits sur le bateau !!! Yeaaaaah !


A la marina, certes, mais il faut un début à tout…



Coup de théâtre assez incroyable : le port de Hyères n’a aucune place disponible pour héberger un bateau aussi grand que le nôtre durant le travail du gréeur / voilier…


Oh, ce n’est pas le Queen Elisabeth II notre bateau, tout de même !


Le gréeur / voilier, basé à Hyères a beau contacter les autorités portuaires, rien n’y fait.


Il finit par trouver un plan B : nous irons à La Seyne sur Mer, 50km plus à l’ouest, pour démâter et procéder au changement de gréement.



Mais cet épisode me met un coup de stress concernant l’hivernage du bateau.


Si il est déjà difficile de trouver une place pour quelques jours de travaux, trouver une place pour hiverner le bateau pourrait se révéler problématique.


Pour en avoir le cœur net, je contacte les 3-4 ports de la baie de St-Tropez. Echec total. Aucune place disponible.


Aie Aie Aie… je sens les ennuis au coin du bois…


Je m’en ouvre au broker et au gréeur. Ils me recommandent quelques ports plus éloignés. Que je contacte, et qui me font une réponse dans un bel unisson : plus de place pour un bateau de cette taille, ou de ce tirant d’eau.


Il est grand temps de sortir l’artillerie lourde : je liste tous les ports de la Côte d’Azur et je fais un véritable carpet bombing par mail.


Au fur et à mesure des réponses négatives, mon stress augmente, amplifié par certaines réponses surréalistes de ports qui demandent une foultitude de démarches administratives (souvent très inquisitrices) avant même de daigner vous informer d’une éventuelle disponibilité… Quand je vous parlais de l’humanité dans son organisation qui me sort par les trous de nez…


Devant l’avalanche de refus, j’élargis mes recherches à l’Espagne. Une fois le gréement changé nous pourrions très bien filer directement vers le Sud. Et passer l’hiver à Barcelone, dans la marina au pied de la Ramblas, il faut avouer que ça aurait de la patte !


Du coup je contacte différentes marinas, et les réponses positives font retomber la pression: nous avons donc une solution de repli pour l’hiver si rien ne se débloque sur la Côte d’Azur.


La pression retombe encore d’un cran avec quelques réponses positives sur la Côte d’Azur.

Mais, soit vraiment trop moches, soit vraiment trop chers, ces ports n’emportent pas pleinement notre adhésion. Même si ce sont tout de même d’autres solutions de repli.


Et alors que nous envisagions de plus en plus sérieusement l’Espagne, nous apprenons via le broker que la propriétaire du ponton voisin n’en aura pas d’usage cet hiver et accepte de nous le louer.


Pour son hivernage, notre bateau effectuera une traversée périlleuse de… 5 mètres.


Tu parles d’une montagne qui accouche d’une souris !


Enfin… ça met fin à cette course poursuite. Nous n’avions pas imaginé un instant qu’acheter un bateau en fin de saison, nous mettrait en difficulté pour l’hivernage. Pourtant, à y réfléchir, c’est logique : les places d’hivernage se négocie déjà en avril. Une leçon de plus !



Et voilà, c’est déjà l’heure de préparer notre première descente dans le Sud pour prendre possession du bateau.


Séquence émotion quand j’embarque tous mes vêtements d’été et que je réalise qu’ils ne reviendront probablement jamais en Belgique. Ca ressemble plus à un déménagement qu’à un simple paquetage de vacances.


De coup on évite mon petit cabriolet sportif, pour charger à mort Grenadine, la vaillante C4 Diesel de ma compagne : vêtements, équipement de voile, trousse à outil, fond d’épicerie, livres… sans oublier les papiers du bateau, ni la bouteille de champagne pour fêter notre première soirée sur notre bateau.


Après une étape Novotel à Dijon, nous arrivons à Port Grimaud une heure plus tôt que prévu. Le broker n’est pas encore disponible. Un petit Gin Fizz en terrasse pour modérer efficacement notre impatience.


Le broker arrive. « Là-bas » est déjà amarré à son ponton d’hivernage. Il nous attend paisiblement, pour aller là où nous emmèneront nos rêves. Avec son mât qui culmine 24m au-dessus de l’eau, il est toujours aussi impressionnant.


J’ai préparé une série de questions pour le broker, concernant le fonctionnement des très (trop ?) nombreux systèmes du bateau : 220v à quai, eau froide, eau chaude, douche, WC…


Une de ces questions concernait le branchement à l’eau du quai via un tuyau d’arrosage : je me demandais si ce branchement remplissait simplement les réservoirs en temps réel tout en laissant le soin à la pompe à eau de fournir la pression de l’eau à bord, ou si ce branchement à quai by-passait les réservoirs pour fournir l’eau et la pression via un circuit séparé. Le broker me répond qu’il vient justement de vérifier, et qu’il s’agit d’un circuit séparé. Retenez bien cette réponse : elle aura son importance…


Il est 18h. Le broker est parti. Nous avons les clés. Nous avons pris possession de notre bateau. Sentiment indescriptible.


Après une dizaine d’aller-retour pour décharger la voiture et 2h de rangement à bord, le sentiment est nettement plus facile à décrire : nous sommes épuisés.


Nous ne nous laissons pas abattre, et repassons au Gin Fizz. Avant de sortir manger une pizza sous un pont de Port-Grimaud. Romantisme assuré.


De retour à bord, nous constatons que nous n’avons pas d’eau chaude. Je vérifie que l’interrupteur est bien enclenché, puis je plonge dans la documentation du bateau pour localiser le chauffe-eau. Après avoir soulevé la bonne trappe dans le plancher, je constate que le chauffe-eau est froid. Je constate aussi qu’une étrange boîte en plastique à côté du chauffe-eau est chaude. Impossible d’identifier cette boîte. Elle n’apparaît pas dans la documentation du bateau, ni dans le manuel du constructeur. Je l’ignore encore, mais je suis en train de découvrir les joies de la plaisance…


Trop intrigué pour dormir, je me plonge dans les 20 kilos de manuels et documentation en tout genre : l’ancien propriétaire a gardé la documentation de tout ce qu’il a acheté pour le bateau, en ce compris ce qui a pourtant été jeté il y a 10 ans !


Et au détour d’un manuel dépourvu de toute photo, mais mentionnant le numéro de série de la boîte mystérieuse, je découvre qu’il s’agit en fait… d’un second chauffe-eau.


L’ancien propriétaire l’a-t ’il installé en remplacement du premier chauffe-eau défectueux ? Ou l’a-t-il installé en parallèle pour disposer de plus d’eau chaude ?


Toujours est-il que cette modification n’est pas documentée. Et qu’elle n’est pas fonctionnelle. Et en prime les schémas « constructeur » relatif au circuit d’eau sont au moins partiellement obsolètes. Joie…


Mais je tombe de fatigue. Le reste de l’enquête attendra demain. Je découvre avec délices le confort du lit de notre cabine.


Sauf qu’après environ 10 minutes de délices, j’entends un bruit, comme une détonation au loin. Ca me fait penser à des feux d’artifice. Sauf qu’on ressent de légères vibrations qui accompagnent ce bruit. Etrange. Une autre détonation. Et toujours cette vibration, comme une onde de choc.


Je ne comprends pas. Si la vibration que je perçois est effectivement une onde de choc liée à la détonation, je devrais entendre une détonation beaucoup plus proche. Et pas distante de 2-3 km.


D’ailleurs cette vibration est ressentie quasi simultanément avec le bruit. Ce ne colle pas.

C’est décidément la soirée des mystères.


Alors que je me rhabille pour jeter un œil dehors, un bruit beaucoup plus fort que les autres se fait entendre, et une secousse importante fait vibrer tout le bateau. Comme si nous avions été heurtés par quelque chose…


Je rush sur le pont pour vérifier…


Dans le noir, je ne vois rien de particulier, mais j’entends un bruit d’eau.


Une voie d’eau !? Et pas une petite, au vu du bruit. Ca colle parfaitement avec le bruit de collision. On ne va quand même pas couler au port, lors de notre première nuit sur le bateau !!!


Le bruit vient de l’avant. J’approche l’oreille de l’écoutille de la cabine « skipper » à la proue du bateau. Et j’y entends un fort bruit d’eau. Ma compagne file chercher une lampe de poche. J’ai un peu peur de ce que je vais découvrir en ouvrant l’écoutille. 50cm d’eau ? 1 mètre, déjà ? J’échafaude à toute vitesse des stratégies pour colmater le bateau, en fonction de la taille de la brèche.


Ma compagne revient avec la lampe de poche. J’ouvre l’écoutille et je promène le faisceau de la lampe dans cette trappe profonde de plus de 2m. Et…rien. Pas d’eau.


Pourtant le bruit vient clairement de là. Ma compagne descend dans la trappe et inspecte tout. Rien. Mais cela semble provenir de la cloison avant de la cabine skipper. C’est la baille de mouillage, là où sont rangés les 80m de chaîne reliée à l’ancre. Tout à la proue du bateau.


Je me penche au-dessus du bastingage, et je distingue effectivement la voie d’eau.


Je n’y comprends plus rien… elle semble se situer 20 cm au-dessus du niveau de l’eau. Puis je réalise que l’eau ne rentre pas dans le bateau, mais qu’elle en sort !


De l’eau qui coule du bateau !?


Mais d’où vient cette eau ? Flashback sur le tuyau d’arrivée d’eau de quai. Un sprint et je ferme le robinet de quai. Le bruit d’eau s’arrête 10 secondes plus tard.


Mais d’où vient cette eau ? Je n’y comprends rien. Nous soulevons tous les planchers, mais ne trouvons pas d’eau dans les fonds du bateau. D’ailleurs le débit était beaucoup trop important pour que ce soit un simple rejet de pompe de cale.


2h du mat’, retour dans mes 20kgs de documentation. Et après 1h de recherches, une petite phrase du manuel constructeur fait tilt : les réservoirs d’eau sont équipés d’une mise à l’air qui joue le double rôle d’orifice de trop-plein.


Oh my God ! Contrairement à ce que m’avait dit le broker, l’eau de quai n’est pas un circuit séparé : elle remplit les réservoirs. Le bruit qu’on a entendu devait être le bruit des réservoirs inox en surpression qui se déforment (légèrement, j’espère).


Je vérifie mon hypothèse en checkant les jauges de réservoir. Bingo ! Ils étaient tous à 25% en début de soirée, et ils sont tous à 100% maintenant.


Je m’endors avec deux pensées.

Pourvu que la surpression n’ait pas endommagé les réservoirs.

En matière de croisière, on ne peut vraiment compter que sur soi, et il est essentiel d’acquérir un maximum de compétences. Leçon apprise.



Après cette première nuit rocambolesque, le reste de nos 3-4 premiers jours est consacré à vider le bateau de ce que l’ancien propriétaire y a laissé.


OMG... ce capharnaüm !


Nous avons trouvé plus de 150kg de linge de lit, de linge de toilette, d’ustensiles de cuisine et de matériel périmé.


L’essentiel sera donné au CPAS local : je ne sais pas si rien ne se crée, mais en tout cas rien ne se perd…


Entre les trips CPAS, et/ou déchetterie, les journées passent à la vitesse de l’éclair.


Le dicton est donc vrai : sur un bateau, tout met toujours trois fois plus de temps…



Grand moment de solitude lors de l’achat de l’annexe.

J’ai trouvé une chouette annexe Highfield 260 de stock : pas forcément évident vu les perturbations actuelles des chaînes d’approvisionnement mondiales.


A notre arrivée, le magasin avait bien fait les choses : l’annexe était gonflée, et ils avaient installé le petit moteur Honda que je voulais acheter aussi. Idéal pour bien analyser avant d’acheter.


Tout est OK. Je leur demande de la dégonfler et de la mettre dans le coffre de la voiture, pendant que je vais payer au bureau.


Quand je reviens vers la voiture, je vois l’annexe qui dépasse d’1m de la pauvre C4 ! Mais enfin, pourquoi ne l’ont-ils pas repliée dans son sac ?


C’est à ce moment précis que j’ai réalisé que j’étais le dernier des crétins !


Je n’avais même pas réalisé que le plancher alu de l’annexe n’était pas démontable. ET DONC QU’ELLE N’ÉTAIT PAS PLIABLE !!! Qui est l’abruti qui parlait de « bien analyser avant d’acheter » ?


Bon… trop tard. On va faire avec. De toute façon j’avais l’intention de naviguer avec l’annexe attachée sur le pont avant. On va tester, et si ça ne se révèle pas pratique (écoutes qui se prennent dans l’annexe lors des virements de bord par exemple…), on revendra l’annexe pour un modèle au plancher gonflable et donc repliable dans un sac facilement stocké en navigation. Une chose est certaine : je ne veux pas naviguer avec mon annexe qui pendouille aux bossoirs et qui gâche toute la vue à l’arrière du bateau.


Petite sueur au retour quand on passe devant l’inévitable maréchaussée avec notre annexe qui dépasse d’1m, notre hayon arrière grand ouvert, et notre plaque minéralogique en carton scotchée sur l’annexe…


On sert les fesses et ça passe.



Nous voici déjà à deux jours de notre première sortie en mer : accueillir Jean notre skipper, préparer le bateau, préparer la nav…


Mais avant tout, notre premier vrai resto de la semaine : Grimaud Beach. Posé sur la plage en face de St Tropez, une cuisine simple, d’excellents produits, un personnel sympa : je valide. Excellente soirée.


Et retour en annexe dans la nuit noire… On en a profité pour se perdre dans le labyrinthe lacustre de Port Grimaud. Rock and roll !


Jean, notre skipper, est à bord.

Vu notre manque d’expérience sur cette taille de bateau, nous avons préféré prendre un skipper pour cette première navigation. D’autant que sortir de notre place d’amarrage ne semble pas une partie de plaisir, entre virage très court, bouée serrée à gauche, et la pendille de mon voisin de droite qui arrive quasiment à la proue de notre bateau…


Malgré son apparence hyper jeune, Jean a 36 ans… et 5 tours du monde à son actif. Le contact passe très bien. Ces 4 jours vont être aussi instructifs qu’agréables.


Il va profiter de ces quelques heures avant le départ pour retourner le bateau de fond en comble. Tout y passe : passe-coques, batteries, moteur, générateur, accastillage…


En quelques heures, il met le doigt sur plusieurs problèmes qui ont échappé à l’expert : corrosion générale du générateur, fuite du système d’eau, vannes cassées…


Avec le recul, je trouve que la manière dont les experts appréhendent leur mission est vraiment trop limitée et n’est pas adaptée aux besoins des candidats acheteur : rien n’est démonté, ils ne montent pas au mât…


Si j’achète un jour un autre bateau, je passerai par quelqu’un comme Jean, en plus d’un expert.


Quoiqu’il en soit, j’apprends beaucoup en regardant Jean fouiner : j’avais fait plus ou moins les mêmes investigations que lui, mais beaucoup moins en profondeur. Ce n’est pas qu’une question de connaissance : j’ai tendance à ne pas aller au fond des choses. Je constate que sur un voilier ça pourrait me jouer des tours.


C’est déjà l’heure d’aller dormir : demain, nous prenons la mer pour la première fois avec « Là-bas ». Je m’endors avec Renaud en tête : C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme, tadadaaaa



C’est le grand jour. Petit dej. Derniers préparatifs et hésitation quant à la météo : orages annoncés toute la journée, avec coup de vent vers 13-14h.


On finit par se décider et on largue les amarres pour la première fois vers 10h. Je suis à la barre.


Pour immédiatement se prendre la quille dans la pendille du voisin… Impeccable.


Jean reprend la barre pour nous sortir de ce mauvais pas, en faisant plusieurs manœuvres plutôt subtiles.


Surprise au quai « fuel » : une demi douzaine de bateaux font la file pour faire le plein… un dimanche à 10h !? He oui, c’est les Voiles de St Tropez dans la baie…


On zappe : avec plus d’un tiers de réservoir nous avons largement assez de fuel pour atteindre La Seyne sur Mer.


Sortie de port : je suis à la barre de mon propre bateau, et c’est vraiment puissant comme sensation. Très différent de ce que j’ai ressenti en barrant des bateaux de location ou les bateaux des Glénans. J’attends avec impatience le jour où nous pourrons hisser les voiles !


L’orage éclate derrière nous. Ça amplifie encore l’impression de fuir la fin du monde.


Le bateau est vraiment très stable : on prend 35 nœuds par tribord avant, et Là-bas est dans un rail. Le moteur est vraiment puissant : sur un régime de croisière de 2100 tours/minute, on file à 8 nœuds de moyenne, malgré une mer d’1-2m sur l’avant.


Voilà qui valide notre choix : un bateau long pour la vitesse, et solidement lesté pour la stabilité.


Mon p’tit Chat est un peu vert et reste à la barre, alors je me charge de la préparation des sandwiches en cuisine.


Pour une raison que j’ignore, mon instinct me pousse à soulever une trappe pour vérifier les fonds. Je ne suis pas déçu : 5 cm d’eau dans les fonds. Choueeeeeeette !

Je goûte. Elle n’est pas salée. Ce qui est une bonne nouvelle. Il ne s’agit « que » d’une fuite dans le circuit d’eau douce.

Avec Jean, nous repérons quelques joints mal bricolés qui fuient : réparation de fortune, un coup de pompe de cale, et c’est réglé.


Sauf qu’à bien y regarder, la pompe de cale aurait dû se déclencher automatiquement : le premier flotteur est suffisamment bas pour être déclenché par 5cm d’eau. On teste en soulevant le flotteur. Et…rien. Pas de pompe de cale automatique, donc. Re-choueeeeeette !

Tout à notre problème de circuit d’eau, la tête dans les fonds, Jean et moi n’avons même pas remarqué que le bateau a essuyé un second coup de vent à 35 nœuds. Le p’tit Chat veille à la barre, et a géré en bonne graine de cap’taine !


C’est un appel de détresse sur le canal 16 qui nous sort des fonds de cale : une dame complètement paniquée, « allo, allo… nous sommes dans la tempête… venez nous chercher»… Le Cross essaie en vain d’obtenir de cette dame la position du bateau, mais elle ne semble pas avoir la moindre notion de navigation, et latitude/longitude sont des concepts qui lui échappent totalement dans sa panique. J’espère que tout s’est bien terminé pour elle.


Je prends bonne note de former chaque membre de l’équipage à l’utilisation efficace de la VHF pour l’envoi de message de détresse.


Nous passons entre Porquerolle et Hyères : la Côte d’Azur est encore plus belle vue d’un bateau. Vivement avril, qu’on puisse passer un mois à l’explorer en long et en large.

Nous arrivons déjà à la rade de Toulon. A la barre, je me sens à l’aise avec la nombreuse signalisation, et nous trouvons facilement le petit quai flottant du chantier à la Seyne sur Mer, juste en face de la flotte de guerre française.


Je foire un peu ma première manœuvre de corps mort. Je m’y reprends et cette fois-ci j’ai mieux anticipé l’énorme inertie du bateau. On s’amarre cul au quai, on reprend bien l’amarre avant et c’est la fin de notre première navigation.


Le lendemain sera consacré à peaufiner notre découverte du bateau avec Jean, à dresser et à ordonner la liste des chantiers à mener pour préparer le bateau avant avril : pompe de cale, circuit d’eau froide, chauffe-eau, quelques petits problèmes électriques…

Et surtout à trouver les bons prestataires, de recommandation en recommandation.

Avec Matthieu de Delta Voiles, nous entamons les préparatifs pour le démâtage de demain. Les gars de Delta Voiles maîtrisent vraiment leur sujet. Ca devrait passer crème, demain.



Jour de dématage

Matthieu et Olivier de Delta Voiles arrivent à l’aube. Petit café pour tout le monde et c’est parti.


On manœuvre pour changer de quai, et venir se placer sous la grue.


La plupart des haubans ont été déconnectés ou quasi-déconnectés hier. Matthieu monte au mât pour attacher la sangle. Nous sommes rapidement prêts pour les manœuvres de grue.


Sauf que… malgré 2 tonnes de pression verticale, le mât ne bouge pas d’un pouce.


Encore un mystère.


Notre mât mesure 22m et est traversant, c’est-à-dire qu’il ne repose pas sur le pont, mais qu’il le traverse, et traverse toute la cabine pour reposer sur la quille du bateau. L’endroit où le mât traverse le pont s’appelle l’étambrai, et ce qui cale le mât dans l’étambrai s’appelle… la cale de mât. Original.


En inspectant cette cale de mât nous constatons que le joint qui l’entoure est fait d’un matériau inhabituel. L’équipe soupçonne donc un effet de friction qui empêcherait le mât de glisser le long de la cale.


Nous passons donc une heure à retirer ce joint qui est horriblement collant, et donc horriblement difficile à retirer.


Exit le joint. Deuxième essai.


Caramba… encore raté. Rien ne bouge. Sauf l’avant du bateau qui se soulève de 10cm.

Cette fois, nous soupçonnons le pied du mât de s’être soudé par corrosion. Le mât étant en aluminium, et le pied de mât étant en inox, une éventuelle corrosion pourrait créer une soudure extrêmement solide.


C’est une très mauvaise nouvelle puisque l’accès au pied de mât est très limité. Pour pouvoir dessouder, il faudrait démonter une partie de la cabine avant, et carrément démolir une partie de la salle de douche attenante. On va éviter…


Nous décidons donc plutôt de détruire la cale de mât, pour lui donner du jeu dans l’étambrai et pouvoir balancer le mât d’avant en arrière, et de droite à gauche pour faire craquer la soudure au pied du mât.


S’ensuivent trois heures de burin en plein soleil. Le problème étant que l’on peut difficilement travailler à 6 personnes sur un mât. La plupart du temps nous assistons totalement impuissants au travail des experts. C’est horriblement frustrant.


Mais je suis content de voir que l’équipe de Delta Voiles garde la tête froide : Matthieu n’a que l’intégrité du bateau en tête, et pas le retard qui s’accumule dans son planning.


On rejoint enfin l’action quand la cale est détruite, pour faire jouer le mât au maximum. Balancement d’avant en arrière, de gauche à droite, en rotation. Au bout d’une heure de ce traitement, le pied de mât daigne montrer une once de mouvement, de quoi introduire un tournevis.


C’est le moment de remettre la grue en jeu. Si on ajoute 2 tonnes de pression verticale, le mât devrait lâcher son pied.


Sauf que… la grue refuse de démarrer. Double panne. Le gars qui a fait l’entretien moteur de la grue la semaine dernière a oublié de refermer le bouchon de réservoir d’huile. Résultat, le moteur est dégoulinant d’huile. Encore heureux, que tout ça n’ait pas pris feu… Et en prime, les batteries sont mortes d’avoir actionné trop longtemps le démarreur.


C’est décidemment une journée dotée d’un excellent karma…


Deux heures plus tard, la grue est opérationnelle.


Le grutier monte la pression à 2,3 tonnes. Matthieu et moi donnons alternativement de grand coups de boutoirs au mât, façon piliers de rugby. Après 10 minutes de ce traitement, le mât cède enfin, et monte brusquement d’un mètre.


Le P’tit Chat qui tenait l’étai pour éviter de rayer le pont, fait un sacré bond, emporté par le câble. Mais comme tous les p’tits chats elle retombe sur ses pieds.


Il ne nous reste plus qu’à coucher le mât sur des tréteaux roulants et le tour est joué.


Nous n’aurons pas volé la pizza du soir. Ca a été 8h de combat, mais on a fini par sortir ce mât sans abîmer le bateau. Certes, entre les heures supp’ et la reconstruction à venir de la cale de mât, je vais dépasser le budget, mais c’est un moindre mal.



Le lendemain c’est l’heure de l’examen du mât. Ce n’est qu’une fois au sol que le mât révèle sa dimension impressionnante. Il a l’air deux fois plus grand que quand il était dressé sur le bateau.


La corrosion le long du mât est aussi plus importante que ce qu’on pouvait voir d’en bas. J’aurais dû monter au mât avant l’achat, vu que c’est une autre chose que les experts ne font pas…


Je vais le payer cher… au sens propre. Au vu de l’étendue des dégâts, des petites réparations localisées ne sont pas envisageables. On part pour une peinture totale.


Ca tombe bien, le mât est chez Russo Yachting, et ils ont une cabine de peinture de plus de 30m de long ! Encore une fois, un service très pro : encore une excellente recommandation.

Le budget mât passe du simple au double, mais nous repartirons avec un mât quasi neuf.


Appréciable pour un tour du monde.


Je suis ravi des services de Delta Voiles, et j’en profite pour leur commander un nouveau bimini, et une nouvelle capote. Adieu le bleu foncé tout moche, bonjour le beige chiné. C’est une couleur qui devrait se marier parfaitement avec la coque qu’on la repeigne en blanc, bleu ou gris argenté. Le vote est toujours en ballotage.


Et en prime nous faisons réparer le bimini que nous garderons en réserve : ce n’est pas la place qui manque.


Mais c’est déjà l’heure de remonter dans le Ch’nord.


Petit stress avec notre Uber qui était annoncé à 30 minutes, mais qui finalement ne met que 13 minutes à arriver. On ferme le bateau un peu à l’arrache et en route.


Et c’est évidemment une fois à 500km du bateau que je réalise tout ce que j’ai oublié de faire en fermant le bateau à l’arrache !


Je n’ai pas vérifié le ragage des amarres croisées, j’ai laissé la passerelle de quai, j’ai oublié de placer des essuies au pied de mât, et surtout surtout… j’ai oublié de fermer les réservoirs d’eau. Ce qui est une très très mauvaise idée quand on a une pompe de cale qui ne fonctionne pas en automatique. Mais quel crétin !


Du coup on prend la décision de redescendre dès la semaine prochaine. De toute façon, je vais très mal dormir en pensant à ces réservoirs d’eau ouverts… Et puis la Côte d’Azur c’est plus beau que le Ch’nord en octobre…



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