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Septembre 2022 - partie 2



Nuit à Cogolin-sept 2022

C'est le grand jour.

Le chapitre "préparation" de notre aventure se referme, et nous pouvons enfin ouvrir le chapitre "navigation-exploration".

Lever de soleil sur St-Tropez, le jour du grand départ

Nous quittons la marina de Cogolin à l'aube, juste après avoir fait le plein (spoiler : cela aura son importance...)

C'est au moins la cinquantième fois que nous croisons St-Tropez, mais ce matin, cela a une saveur particulière. Un goût de grand départ.

Direction Porquerolles la belle. 6-7h de navigation-plaisir. Nous jouons avec le vent un peu faiblard, tirant de nombreux bords pour atteindre notre destination sans moteur. J'éprouve toujours une certaine fierté à arriver à faire avancer mon bateau à la voile dans le petit temps alors que la plupart des autres se sont résignés au moteur. Pas super efficient, au vu des zigs et des zags, mais jouissif.

Nous avions choisi une petite crique bien protégée pour passer la nuit, mais je suis choqué du nombre de bateaux présents au mouillage alors que nous sommes mi-septembre. Il est vrai que nous sommes dimanche...

Petit stress pour rentrer dans la crique, vu la présence signalée sur la carte de 2 haut-fonds entre lesquels je dois slalomer pour rentrer. Pas évident à repérer, vu que ces haut-fonds restent à 2m sous l'eau. (Mon tirant d'eau étant de 2m30)

Le P'tit Chat est à la proue, pour scruter les fonds et me guider. Cela évite de se fier aveuglément à des cartes qui ne sont pas toujours hyper-précises.

C'est là que l'expérience de notre skipper est particulièrement intéressante : il ne participe pas à la manoeuvre, mais il conseille, et il nous transmet les "trucs" que seule l'expérience peut apporter...

Nous voici donc au mouillage. Un p'tit plouf pour vérifier que l'ancre est solidement plantée, et nous avons tout le reste de la journée pour explorer Porquerolles.

Bon. Je suis mitigé. D'un côté, l'île est absolument splendide. De l'autre, c'est beaucoup beaucoup trop touristique. Les navettes vomissent leurs paquets de touristes toutes les heures. Pas mon kif.

On se promet de revenir 2-3 jours, totalement hors-saison, et en semaine pour pouvoir explorer dignement cet endroit magnifique.

Après un petit resto bien sympa, nous fuyons la foule pour rejoindre le bateau par le chemin des écoliers, à travers une pinède un peu magique à la tombée du jour.

Un dernier petit verre à bord, avant un dodo bien mérité.

Le lendemain c'est direction le port de Hyères, à une heure au nord, pour prendre livraison de notre dernière voile, un gennaker, spécialement conçue pour naviguer avec peu de vent.

J'entre tranquillement dans le port. Nous trouvons la place qui nous est réservée. Et en pleine manoeuvre, mon propulseur d'étrave refuse de fonctionner (le propulseur d'étrave est une hélice qui est placée à l'avant du bateau, perpendiculairement à la marche, et qui permet de faire pivoter l'avant du bateau à gauche ou à droite : quasi indispensable pour manoeuvrer de grands bateaux dans de petits ports) !

C'est con, parce que moi j'ai calculé ma manoeuvre et ma vitesse en comptant sur ce propulseur d'étrave. Du coup je risque de percuter les bateaux sagement amarrés.

Gros coup de chaud. Dans ce cas, le skipper ne peut pas m'aider. Il n'a même pas le temps de me conseiller. Tout se passe en 2 secondes. Je prends la décision d'interrompre la manoeuvre, par un grand coup de gaz. Le temps de corriger le cap et je décide de ressortir du port pour réfléchir tranquillement à la meilleure solution.

En toute objectivité, la manoeuvre que je dois faire est possible sans propulseur d'étrave. Sauf que j'ai pour défaut de faire mes manoeuvres trop lentement. Ce qui rend le bateau moins manoeuvrant, moins réactif. Et j'ai bien besoin du propulseur d'étrave pour compenser. Ca fait des manoeuvres lentes, tout en douceur, idéal pour un captain qui n'a pas encore l'habitude d'un bateau aussi grand.

Sauf que là, a pu de propulseur d'étrave.

Je pourrais donner la barre au skipper, qui ferait ça les deux doigts dans le nez. Mais bon, je n'apprendrais rien. Sans même parler de mon amour-propre de marin d'eau douce...

Pas non plus envie de me la jouer risque-tout, en mettant en danger mon bateau et celui des autres.

Du coup, j'opte pour une solution intermédiaire. Je fais la manoeuvre moi-même, mais j'appelle la capitainerie du port pour leur signaler mon avarie et leur demander une assistance avec un zodiac pour assurer la manoeuvre, et m'éviter de trop gros chocs en cas de connerie.

Re-entrée dans la marina, un peu tendu. Le zodiac est bien au rendez-vous. Je m'efforce de garder un peu plus de vitesse qu'à mon habitude pour cette manoeuvre, et... ça passe. Bon...pas la plus belle manoeuvre de ma vie, mais comme dirait Jean, "toute manoeuvre qui ne casse rien est une manoeuvre réussie"...

Après cette petite chaleur, c'est avec plaisir que nous retrouvons notre bar préféré, le bien nommé Mojito. Puis c'est notre pote Olivier de chez Delta Voile qui nous livre le gennaker, avec les explications qui vont bien. On aurait bien fait un petit essai en mer avec lui, mais le vent souffle trop fort pour cette voile. Tant pis.

Bon. Faut s'occuper de ce propulseur d'étrave maintenant. Honnêtement, là ça me gave un peu ces pannes à répétitions. Je sais que ça fait partie de la vie sur un bateau, mais là l'intervalle entre deux problèmes techniques est "un poil" trop court à mon goût.

Enfin...

Diagnostic. Batteries OK. Branchement OK. Commandes OK. Bon... c'est mécanique.

Coup de bol, sur le bateau voisin, un technicien est occupé à réparer la passerelle arrière. On papote un peu comme ça pour le plaisir, et le gars a l'air de solidement s'y connaître en propulseur d'étrave. Il semble même familier avec notre modèle.

Du coup je fais un peu le forcing pour qu'il jette un oeil. Il diagnostique en 5 minutes. C'est une petite clavette qui est sortie de son logement. Trois fois rien mais il faut tout ouvrir.

Je continue un peu mon forcing, et il promet de repasser le soir même. Mieux : il tient sa promesse ! Et en 20 minutes, c'est réparé. Malheureusement, l'endroit est trop inaccessible pour pouvoir suivre la réparation en direct, mais il a fait de son mieux pour m'expliquer. Je devrais pouvoir m'en sortir seul la prochaine fois.

On profite du reste de la journée pour marquer la chaîne : poser l'ancre sur le quai, sortir les 80m de chaîne et l'étaler en zig zag sur le quai pour pouvoir la marquer tous les 10m par un code couleur. Le but étant de pouvoir savoir précisément quelle longueur de chaîne on mouille, quand on jette l'ancre.

Au total 350kg d'acier à trimbaler. Aller. Et retour. Pas besoin d'abonnement fitness quand on vit sur un bateau... J'aurai pas volé un retour au Mojito...après la douche...



Attablés à notre bar préféré, et ne buvant que de l'eau (on le jure...), c'est l'heure des décisions. On a une fenêtre météo correcte pour la traversée du Golfe du Lion, vers Cadaques (un peu au Sud de Perpignan). Mais ce serait de la voile sportive: 20-25 noeuds de vent, au près, mer formée, 140 milles nautiques (250km), soit 20-22h de navigation, dont une nuit. Rien de dangereux, mais pas forcément idéal pour la première vraie traversée du P'tit Chat.

Du coup, on se demande si on ne devrait pas attendre une fenêtre plus "pepère". Mais le P'tit Chat en a manifestement marre d'attendre, et se porte volontaire pour l'option sportive. ("Offensive, je choisis l'option offensive" pour ceux qui ont la ref...)

Après une bonne nuit de sommeil, on finalise les préparatifs pour la traversée : lessives, courses, plein des réservoirs d'eau...

Et vers 15h, c'est parti pour 20h de sport. Arrivée prévue en début de matinée.

Ça démarre tranquillement. Nous devons aller chercher le mistral, un peu plus à l'ouest et un peu plus au large. La mer commence à se former, et après 4h de navigation, nous touchons le mistral prévu. Entre 15 et 20 noeuds.

Du coup l'ambiance change sur le bateau. Grosse accélération. Le bateau atteint instantanément sa vitesse "théorique" maximum de 10-11 noeuds. Et on prend 20° de gîte.

On ne diminue pas les voiles. Plus le bateau est puissant (rapide), mieux il passe dans les vagues. Et au près, les vagues on les prend quasi de face. Il vaut mieux être lancé à fond pour que le bateau puisse fendre les vagues sans trop perdre de vitesse.

On reste donc à fond. C'est notre petit Vendée Globe à nous. Je suis toujours scotché de voir comment un bateau de 20 tonnes peut avancer à une vitesse pareille. En surfant certaines vagues, on atteint jusqu'à 15 noeuds. Et le bateau ne donne absolument pas l'impression de forcer.

Pour le Ptit Chat c'est un sacré baptême. Et la traversée ne fait que commencer...

En parlant du P'tit Chat c'est l'heure de son premier quart de nuit, 21h-minuit (En navigation, la loi maritime impose d'avoir toujours quelqu'un qui veille sur le pont : on organise donc un roulement parmi l'équipage pour avoir toujours quelqu'un de quart). Le mot d'ordre : en cas de doute, on réveille l'équipage.

Son estomac commence à la taquiner. Logique, avec l'obscurité elle ne voit plus l'horizon. C'est souvent fatal quand on n'est pas encore pleinement amariné. D'autant que la mer se creuse, avec des vagues de 3-4m.


Pour la rassurer, je reste dormir sur le pont, à côté d'elle. Elle paraît un peu stressée mais elle gère. Jean lui fait un chouette cours sur l'astronomie, puis part se coucher. Comme je ne dors que d'un oeil, je réalise qu'un peu après minuit, le vent commence à forcir. Le P'tit Chat l'avait remarqué aussi et se préparait à nous réveiller. Il va falloir penser à diminuer un peu la voilure, tant pour des raisons de sécurité, que des raisons de confort.

On profite donc du changement de quart pour prendre un second ris dans la grand voile et quelques tours de génois. La manoeuvre se passe impeccable, ce qui n'est jamais gagné en pleine nuit. Le bateau continue à pleine vitesse, nous n'avons fait que gommer les pics de surpuissance en diminuant un peu la voilure. C'est parfait.

C'est parfait mais ça reste sportif. Après 4h de résistance stomacale héroïque, le P'tit Chat inaugure le seau à gerbouille. (j'espère que vous ne lisez pas ce texte en mangeant...)

En allant lui chercher un medoc anti mal de mer, je trouve que l'intérieur du bateau commence solidement à sentir le fuel. Ça en devient franchement incommodant. Jean est du même avis et nous voilà couchés sur les planchers à l'intérieur du bateau pour trouver l'origine de cette odeur. On démonte les planchers les uns après les autres. L'odeur est devenue absolument affreuse, j'en ai le tournis.

Je m'interromps 5 minutes pour sortir prendre l'air. Je n'en peux plus. Le P'tit Chat en profite pour balancer une seconde salve dans le seau. La pauvre. Sacré baptême. Mais elle gère : aucune plainte, elle reste agréable même si elle est HS.

Dans l'intervalle, Jean a trouvé l'origine du fuel. Une durite de retour de fuel vers le réservoir n'a pas été condamnée proprement par le mécano qui est intervenu pour démonter et retirer notre groupe électrogène. Il a bien coupé la durite, puis il a oublié de finir le boulot. Et donc quand le bateau gîte sur babord, et qu'on a le réservoir quasi plein (quand je vous disais que le plein fait au départ aurait son importance...), un peu de fuel gicle à chaque vague.

Du coup, on a environ 30L de fuel dans les cales... Trop cool !

Je dois absolument sortir prendre l'air. Cette odeur me rend vraiment malade. D'autant que le bateau continue à pleine vitesse pendant nos fouilles.

Nous coupons le courant pour éviter tout risque d'incendie avec les vapeurs de fuel. L'intérieur du bateau est condamné. Je commets l'erreur de rester trop près de la sortie du bateau (qui est l'endroit le mieux protégé quand on est dehors), et les relents de fuel qui remontent de l'intérieur ont raison de mon estomac. Pour la première fois de ma vie, je vomis sur un bateau. C'est con, mais ça m'a mis un solide coup au moral.

Heureusement que c'est le quart de Jean. Je vais pouvoir m'écrouler 2h. Le P'tit Chat en est à sa troisième salve. Nous sommes tous les 3 agglutinés tout à l'arrière du bateau, pour échapper aux émanations de fuel. Pas la place pour se coucher à deux. Et en prime c'est un endroit du bateau qui n'est pas à l'abri d'une vague de temps en temps. On a sorti tout ce qu'on pouvait comme couvertures pour s'emmitoufler. On ramasse une vague toutes les 20 minutes. J'ai posé mes jambes sur le P'tit Chat autant pour lui tenir chaud, que pour trouver une position pour dormir. On doit ressembler à des naufragés...

Alors que je viens à peine de m'endormir, mon réveil sonne. 4h du mat. C'est le début de mon quart. C'est à Jean de dormir. Mais il me dit qu'il est en pleine forme, et que je peux encore dormir 2-3h. Si c'était un équipier normal, j'aurais refusé son offre et j'aurais certainement pris mon quart, histoire de ne pas puiser dans les réserves de l'équipage. Mais Jean c'est un pro : il connaît ses limites et ce n'est pas son premier rodéo. Du coup je fais preuve de faiblesse et je me rendors comme une larve.

Mes pensées sont assez sombres en me rendormant : je me trouve indigne pour ne pas avoir assumé mon quart, capt'ain d'opérette... et en prime je crains bien qu'au vu de ce baptême assez horrible, le P'tit Chat va envoyer promener tout le projet... Je pourrais difficilement la blâmer. Enfin... au moins on ne se sent pas en danger. Dodo...

Les premières lueurs de l'aube me réveillent, et j'ai retrouvé mon énergie. Il est 6h30 du mat'. Je prends enfin mon quart, et Jean va se coucher.

On commence à apercevoir l'Espagne. C'est magique comme sensation. Nous avons pris la décision d'aller dans le port de Roses pour remettre le bateau en état.

Mais d'abord une chambre d'hôtel pour nous remettre de notre nuit. Impossible de dormir dans le bateau, au vu de l'odeur. On s'écroule pour 4h de sieste, puis on rejoint Jean qui est déjà à pied d'oeuvre sur le bateau. Il a acheté un pompe à vide et il a déjà pompé les 2/3 du fuel. Le reste de la journée passera à pomper et éponger le fuel, dégraisser les cales, et désodoriser le bateau. Joie.

Nous n'avons pas volé les cocktails du soir. On a tellement bien bossé qu'on pourrait carrément reprendre la mer le lendemain, alors que je pensais qu'on serait immobilisés pour au moins 3 jours.

La prochaine étape, c'était Barcelone. Sauf que la météo y annonce 5 jours de pluie. Bof...

Par contre la météo est excellente pour une traversée vers Minorque. J'hésite un peu parce que cette traversée nécessite une nuit en mer et que je ne suis pas certain que le P'tit Chat se soit déjà remis de son baptême...

Hé bien, j'ai sous-estimé le P'tit Chat qui est parfaitement volontaire pour remettre le couvert, malgré ses déboires d'hier. Mais c'est que c'est de la graine de marin, ça ! C'est dur au mal ! Ca en redemande ! Même pas peur ! Très fier de mon P'tit Chat !

On passe cette nuit à l'hôtel pour laisser le temps aux odeurs de s'évacuer et le lendemain, nous sommes de nouveau au boulot tôt pour terminer le chantier. A midi, le bateau est de nouveau habitable. Il subsiste un fond d'odeur mais rien de comparable avec hier. Excellent travail d'équipe, avec une mention spéciale pour Jean qui a bossé comme un forcené.

On largue les amarres, direction Minorque.

La traversée sera parfaite. Juste ce qu'il faut de vent. Météo conforme. Une omelette mémorable. Le Ti' Punch qui va bien. Une nuit étoilée fantastique et un lever du soleil incroyable, avec Minorque qui se dévoile. Enfin les Baléares ! Cela fait un an qu'on attend ça.


Nous jetons l'ancre dans une superbe crique sur la côte Nord, rien que pour nous. L'eau est à 28° et le premier plouf est divin ! Nous passerons la journée à explorer les environs terrestres et aquatiques, à lire, à manger des crêpes, jouer de la guitare... Bref, la vie quoi...

Cet enchaînement d'une navigation parfaite avec une journée de rêve à l'ancre recharge les batteries de l'équipage à bloc. Oubliée la première nuit cauchemardesque. On s'endort paisiblement.

A 6h du mat' je suis réveillé par mon instinct : j'ai dû percevoir un changement dans le bruit du vent, ou le mouvement du bateau. Je jette un oeil par le hublot et je constate que contrairement aux prévisions météo, une grosse dépression fonce sur nous en venant du Nord. Notre crique de rêve va être transformée en piège à rats endéans les 10 minutes.

Branle bas de combat. L'équipage est opérationnel en 1 minute. Moteur allumé. On lève l'ancre en urgence. Et on pivote pour sortir de la crique, et affronter l'orage de face. J'ai bien fait de n'enfiler qu'un maillot. La pluie s'abat sur nous, et à la barre, je suis trempé en 30 secondes. Les 20 minutes qui suivent sont franchement épiques. Le bateau est tellement serein et puissant dans ces conditions. Perso j'ai adoré, et honnêtement, c'est un de mes meilleurs souvenirs de ce mois de navigation. Je dois être un peu cinglé...



On contourne le cap, et on file s'abriter à Port Mahon sur la côte Est de Minorque. Pour deux jours, vu que la météo prévoit du vilain.

Très chouette petite ville, Port Mahon : nous avons choisi un petit ponton flottant au milieu de la baie près d'Isla del Rey, plutôt que la marina. Pas d'électricité, ni d'eau, mais nos grosses batteries nous permettent ce genre d'excentricité. Vive l'autosuffisance !

Une fois encore, nous nous efforçons de vivre positivement cet arrêt forcé, et nous découvrons une petite ville adorable. Le temps file, entre tapas, visite de la ville, avitaillement, glaces... Et nous profitons des averses pour bosser. Mention spécial pour l'Isla del Rey et son ancien hôpital militaire datant du début du 18eme siècle, qui est conservé dans un état incroyable.



Au détour d'une papote avec notre voisin de ponton, qui a un voilier magnifique (un Oyster 575 ), nous apprenons qu'il part le lendemain à la même heure que nous, avec la même destination: Porto Colom, sur la côte Est de Majorque. "I will race you there" ! C'est lui qui a commencé ! Défi relevé, évidemment.

Le lendemain, c'est ambiance régate. La météo est parfaite. Nous partons 30 minutes avant nos concurrents voisins anglais. On a bien étudié la météo, et on a établi une stratégie de route au rasoir. Aujourd'hui, on fume du roastbeef !

Là-bas est lancé comme une locomotive. On passe la journée à peaufiner les réglages, pour tirer le maximum du bateau et des conditions météo. Absolument jouissif ! Je comprends le côté addictif de la course au large.

Et malgré le fait que leur voilier soit plus ou moins ce qui se fait de mieux en matière de monocoque de grande croisière (un de mes bateaux de rêve), nos concurrents amis anglais ne nous rattrapent pas d'un pouce. Là-bas est décidément un voilier rapide. Et j'adore ça !

A l'arrivée, nous entérinons le match nul. Amarrage sans problème au ponton de la marina. Le temps de quelques courses et d'un excellent resto, et l'appel de la couette retentit...

Le lendemain, nous voulions passer par Palma de Majorque mais pas moyen de trouver la moindre place libre à la marina. Etrange, si tard dans la saison...

Tant pis, nous filerons directement vers Ibiza et sa côte sud. Navigation paisible, mais le vent nous abandonne à 4h de notre destination. Tant pis, on finira au moteur. Direction Formentera, une île au Sud. Avec le vent qui est tombé, nous sommes un peu en retard sur nos prévisions, et nous jetons l'ancre juste après le coucher du soleil.

Notre crique est ouverte au Sud-Est, mais bien protégée du vent du Nord-Ouest qui souffle en ce début de nuit. Sauf que contrairement à ce qui était prévu, la houle rentre de plus en plus par le Sud, s'amplifie et engendre un solide roulis sur le bateau qui se dandine de gauche à droite. Un mouillage "rouleur" est acceptable dans une certaine mesure, mais là, impossible de dormir.

On prend la décision de lever l'ancre et de trouver une crique mieux abritée de la houle. En pleine nuit. Même pas peur.

Nous essayons plusieurs criques mais toutes sont bondées. Pas moyen de caser un bateau en plus, sans faire courir de risque à tout le monde. D'autant que Formentera est un parc naturel et qu'il est interdit de jeter l'ancre dans la Posidonie, une plante marine menacée et essentielle pour l'équilibre de l'écosystème.

Plusieurs fois, nous pensons avoir trouvé une petite place, pour devoir déchanter pour cause de Posidonie.

Faute d'abri acceptable pour jeter l'ancre, nous prenons la décision de mettre le cap au moteur sur Ibiza, tout doucement, pour arriver au lever du jour. A basse vitesse, le moteur ne consomme presque rien. Je suis bien réveillé et j'assumerai l'essentiel de la veille de nuit.

A l'aube, nous jetons l'ancre devant une plage d'Ibiza et c'est dodo time jusqu'à midi pour compenser ma nuit.

Programme de l'après-midi : courses, lessives et visite de la vieille ville d'Ibiza.

Le long des plages d'Ibiza, l'essentiel de la population est assez pathétique : on dirait un défilé permanent du casting des Anges de la Téléréalité... Allo, non mais allo quoi !? Les clichés se succèdent. C'est tellement too much que ça en devient drôle... donc supportable. Mais ce n'est vraiiiiiment pas mon kif.

Du coup on file vers la vieille ville. Et c'est une surprise, je n'attendais pas une vieille ville avec autant de charme. Un dédale de petites ruelles en pente. Une ambiance authentique. Souvent très pauvre. Quel contraste avec le reste d'Ibiza ! Et quelles vues depuis le sommet ! Assurément une belle découverte. Même si trop de touristes à mon goût.

A propos de goût, j'ai repéré un Burger King. Tant qu'à subir les aspects négatifs de la civilisation, autant profiter des aspects positifs... Rien de meilleur que le plaisir coupable d'un bon vieux burger dans un pays "exotique" à la cuisine locale tellement plus variée...

Haaaa la bouffe en Espagne, tout un poème. Très contrasté. Les tapas, c'est délicieux. Mais quasi tout est frit ou baigne de l'huile d'olive. J'adore mais au bout d'un moment ça lasse. Et globalement, ce n'est pas facile de trouver de la nourriture qualitative. On est vite dans le piège à touristes. On n'a pas trouvé une seule pizza correcte. Sans même parler des petits dejs absolument affreux : pain industriel, confitures insipides... Bref je dévore un Double Whooper et c'est booooooooon !

Plus sérieusement, on se dit qu'on va beaucoup cuisiner nous-même tant qu'on est en Espagne. Jusqu'à faire notre propre pain.

C'est bien beau de s'empiffrer au Burger King mais la météo a prévu un solide coup de vent de Nord Ouest cette nuit, et impossible d'obtenir une place dans une des marina de l'île. Tout est complet. Fin septembre !? Ca a été notre plus grosse surprise : je n'imaginais pas que les Baléares soient encore à ce point bondées si tard dans la saison.

Il faut donc se trouver une petite crique bien abritée. On en a d'ailleurs repéré une sur la carte, que l'on rejoint en 45 minutes de navigation. L'endroit est idyllique, parfaitement protégé par une petite falaise, creusée de quelques grottes. On se faufile dans la crique, et au bout de 4-5 manoeuvres on parvient à jeter l'ancre sans toucher la posidonie. Bien nous en prend, vu qu'un garde du parc national débarque à peine 1h plus tard pour vérifier notre ancre...

Grosse attaque de farniente durant tout l'après-midi : entre siestes, baignades à 28° , lecture, échecs, musique et ti' punchs... Seule frustration, nous n'avons pas trouvé le moyen d'accoster en sécurité pour explorer un peu les alentours. Mais à part ça, on est sur de la journée de rêve. La soirée et la nuit seront du même tonneau.

On s'offre un petit dej pantagruélique à base de toasts et de cake au pomme "maison", dans le calme de notre petit paradis. Je pourrais rester là une semaine de plus...

Mais la météo prévoit encore un gros coup de vent la nuit prochaine, du Nord Est cette fois. Et notre crique, aussi parfaite soit-elle, est mal protégée du Nord Est. C'est donc à regret que nous la quittons pour aller nous abriter derrière le piton rocheux de la vieille ville d'Ibiza. J'avais bien l'option de la marina de Formentera mais à 380€ (!!!!!!!) la nuit, je vais passer... 5 fois le tarif habituel d'une belle marina ! Ibiza vous dit bonjour... Pour nous ce sera une nuit à l'ancre, même si les batteries tirent un peu la gueule...

Nuit agitée. Ca souffle solide : 35-40 noeuds. Et ca change 3-4 fois de direction durant la nuit, de sorte que le bateau pivote autour de son ancre, vu qu'il se place toujours nez au vent quand il est à l'ancre. Et comme il y a toujours un ou deux crétins pour venir jeter l'ancre trop près de notre bateau au vu des prévisions météo, je me réveille à chaque changement de direction pour vérifier que les bateaux tournent bien en harmonie. Ce qui n'est pas toujours le cas : par exemple, un catamaran et un monocoque ne pivotent pas aussi vite autour de leur ancre en cas de changement de direction du vent. Ce qui peut entraîner des collisions durant la nuit. Mieux vaut avoir l'oeil pour pouvoir amortir le choc avec des pare-battages.

Le lendemain, c'est déjà l'heure de quitter les Baléares, direction l'Andalousie. La fenêtre météo est presque parfaite. Juste un peu frustrés de ne pas avoir pu visiter le nord d'Ibiza, beaucoup plus sauvage et authentique. Mais avec le vent qui est globalement resté de secteur Nord ces derniers jours, la côte Nord n'offrait aucun abri. Tant pis, il faut faire avec la météo. C'est le jeu ma pov' Lucette...

A propos de météo : les prévisions pour la traversée vers l'Espagne sont bonnes, malgré une panne de vent prévue pour le dernier quart.

La traversée est particulièrement paisible. Je prends vraiment goût à ce rythme de vie, si différent de la vie sur terre. Ces heures de traversée sont un peu hors du temps. C'est assez difficile à expliquer. Une forme d'union contemplative avec la mer, la nature. En mer, je peux passer une heure à regarder l'horizon, le ciel étoilé ou les couleurs. C'est presqu'une forme d'hypnose qui me dénue de toute superficialité. C'est fou ce que je suis philosophe après 2 rhums...

La séance d'hypnose est interrompue par le démarrage du moteur : comme prévu, le vent fait grève. C'est donc au moteur que nous atteindrons Carthagena, après avoir slalomé entre les cargos du port de commerce. Toujours un peu stressant de se frayer un chemin parmi ces monstres de métal, qui vont en moyenne 3 fois plus vite que moi. Mais je me sens parfaitement en confiance, et je décide de laisser Jean dormir.

Encore une chouette ville, Carthagena : une marina au top, d'incroyables ruines romaines en pleine ville, et globalement une bonne énergie. Nous y dénicherons un resto fabuleux qui me réconcilie quelque peu avec la gastronomie espagnole. J'avais d'ailleurs hésité entre Carthagena et Marina del Este comme port pour l'hiver, sur base des conseils prodigués par un couple de navigateurs anglais qui avait passé le dernier hiver à Carthagena, et qui en avaient été ravis. J'espère que je ne vais pas regretter de n'avoir pas choisi Carthagena...

C'est donc un peu à regret que nous quittons Carthagena pour une longue journée de cabotage à destination d'Aquadulce. La journée est d'autant plus longue que le vent atteint à peine la moitié de la force initialement prévue. Nous en profitons pour essayer notre nouvelle voile de petit temps, mais les conditions ne sont pas idéales. On se traine un peu. Tellement, qu'on décide de changer de destination pour une destination plus au Sud : Motril. Ca nous permettra de faire un cap plus favorable au peu de vent, et donc d'éviter 6h de moteur.

Ce changement de destination ajoute 12h, donc une nuit, à notre navigation. Déjà la dernière nuit de veille, de ce premier chapitre de notre navigation. Je prends mon quart à 4h du mat', et je profite de chaque moment de ce calme absolu.

Arrivée à Motril. Un port un peu vieillot, un peu moche mais au personnel absolument charmant. Une vraie ambiance de marins. Sans chi-chi. J'adore. L'incontournable taverne du port ira même jusqu'à me servir d'excellents toasts à la confiture au petit-déjeuner. Ca nous change des toasts à la tomate et à l'huile d'olive qu'on nous sert habituellement avec le café ! Pas grave ils se rattraperont ce soir en nous servant un burger absolument immangeable...

Le P'tit Chat file en ville faire quelques courses, et, surprise, nous revient tout roux ! Moi, j'adore, ça met ses yeux en valeur. D'ailleurs ça tombe bien : les petits chats roux sont souvent tout fous...

Dernière mini-étape : 3h de moteur vers la Marina del Este. Nous avons un peu le blues : pas vraiment envie d'interrompre cette vie de nomades pour l'hiver. Quelques dauphins et énormes thons font des cabrioles pour nous rappeler que nous devons profiter. Profiter de ce que nous pouvons faire, plutôt que pleurer ce que nous ne pouvons pas faire. Bien noté.

C'est déjà l'heure du bilan nos premiers 1000 milles nautiques de navigation sur Là-bas.


J'ai adoré.

Le bateau est parfait.

Notre équipage fonctionne impeccablement, toujours dans la bonne humeur, même dans les coups durs.

Et cette vie de vagabonds des mers est tellement plus riche...

Mais le rythme était beaucoup trop rapide à mon goût.

Les 10 jours de retard initiaux nous ont obligé à tout faire au pas de course.

J'ai envie de prendre mon temps pour mieux explorer les lieux, et découvrir plus de personnages atypiques.

Nous reviendrons certainement aux Baléares qui méritent qu'on y consacre beaucoup plus de temps.

Le bateau est maintenant amarré à Marina del Este qui ne manque pas de charme, mais bon...

Vivement le printemps !


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